C’est un guide attendu chaque année avec autant de curiosité que d’inquiétude. L’agence Bloomberg a révélé lundi dernier son « Guide pessimiste » pour l’année 2018, une série de scénarios pour se préparer au pire.
Scénarios, et non prédictions, souligne l’agence américaine. L’ambition de ces guides, publiés depuis 2014, est « de proposer des idées provocantes afin de vous faire réfléchir sur la rapidité des changements à l’oeuvre dans le monde aujourd’hui », explique Bloomberg.
En 2015, l’agence avait ainsi prévu le Brexit et la victoire de Trump et ce, contre toute attente. Les scénarios de l’agence écrits en 2016 – notamment la victoire de Marine Le Pen à la présidentielle française et la chute en Bourse de Google, Facebook et Apple – ne se sont cependant pas réalisés en 2017. Petite innovation pour 2018 : Bloomberg part d’un évènement et décrit ses conséquences jusqu’en 2028. Tour d’horizon.
Trump est réélu
En 2018, le président américain passe la seconde après sa réforme fiscale et dérégule massivement l’économie américaine. L’ enquête du procureur Robert Mueller sur l’influence russe dans son élection ne trouve rien de compromettant sur lui.
En 2020, Donald Trump est réélu malgré de mauvais scores électoraux face à des démocrates dispersés entre Kamala Harris et Bernie Sanders. L’année suivante, Trump parvient à supprimer l’Obamacare sans la remplacer. Un chaos s’ensuit dans le système de santé américain alors que la bulle financière explose. Les Etats-Unis s’enfoncent dans une grave récession.
En 2024, l’animateur vedette Jimmy Kimmel , candidat démocrate à la présidentielle, est élu après avoir promis une couverture santé nationale. En 2028, les partis républicain et démocrate se divisent alors que leurs électeurs se tournent vers des partis alternatifs. Pour l’élection, quatre candidats potentiels se font face et aucun ne remporte les 270 grands électeurs.
Plus personne ne sait distinguer la vérité des «fake news »
En 2018, les élections de mi-mandat aux Etats-Unis montrent que Facebook et les autres géants de la tech ne parviennent pas à endiguer le flux des fausses informations, ou « fake news ». Un sondage montre que 30 % des électeurs pensaient qu’Hillary Clinton était candidate au Sénat.
En 2019, Facebook embauche des milliers de personnes pour supprimer les contenus suspects, mais sans effet. Dans le monde entier, les gouvernements lancent des « fermes de bots » pour inonder les réseaux et s’en servir comme une arme d’influence.
L’année suivante, les PDG de la Silicon Valley annoncent qu’ils ont développé des intelligences artificielles capables de supprimer la désinformation avec une haute précision. Cependant, avant l’élection présidentielle, les assistants vocaux des Américains sont piratés pour donner des réponses pro-Trump à propos de l’économie et de la politique internationale.
En 2025, plus personne ne sait distinguer la vérité du mensonge sur Internet. L’administration Kimmel décide de détruire les grands de la tech dans une action judiciaire. En conséquence en 2028, la fragmentation est la norme parmi les plateformes qui émergent, ce qui renforce les bulles et la désinformation.
Le Bitcoin remplace les banques
En 2018, les prêteurs régionaux américains annoncent qu’ils ont été piratés et que l’ensemble des épargnes ont disparues. Malgré les réassurances des autorités du monde entier, le bitcoin devient une valeur refuge. En 2021, Alibaba crée sa propre monnaie virtuelle pour réaliser des achats sur sa plateforme. Le Venezuela, la Grèce et des pays africains adoptent le bitcoin, qui atteint les 100.000 dollars.
En 2026, une écolière de 10 ans révèle un scandale de piratage mondial des banques. Une ruée s’ensuit, qui aboutit au crash des valeurs traditionnelles de Wall Street. Les banques centrales adoptent la technologie blockchain et émettent de l’argent directement auprès des citoyens.
En 2028, de nombreux prêteurs commerciaux ferment. Le système financier mondial donne naissance à un patchwork de monnaies virtuelles et le système de paiement est dominé par Alipay et Amazon. Le bitcoin franchit la barre du million de dollars.
La Corée du Nord attaque les Etats-Unis
Pyongyang se montre encore plus agressive en 2018 et lance un missile qui atterrit à 30 kilomètres des côtes américaines. Donald Trump décide de ne pas répliquer et rencontre le président chinois Xi Jinping à Honolulu. En 2019, la télévision nord-coréenne annonce la mort soudaine de Kim Jong-Un après un infarctus. Son successeur accepte de dénucléariser la péninsule, tandis que la cote de popularité de Donald Trump grimpe en flèche.
En fin de mandat, le président américain annonce en 2020 qu’il va commencer à vendre de l’équipement militaire à la Chine, tout en avertissant le Japon et la Corée du Sud qu’il retirera les troupes américaines de leur territoire s’ils ne respectent pas les règles commerciales.
En 2025, au dernier jour de la présidence Trump, Xi Jinping annonce qu’il souhaite envahir Taïwan. Le président américain s’en félicite. Il célèbre, quatre ans plus tard, la réunification de Taïwan avec la Chine. Le Japon démarre de son côté le développement d’armes nucléaires en 2025.
Corbyn fait basculer le Royaume-Uni
Alors que le Brexit est hors de tout contrôle en 2018, une élection anticipée désigne le leader travailliste Jeremy Corbyn comme Premier ministre britannique. En 2019, le Royaume-Uni quitte l’Union européenne avec un coût beaucoup plus élevé que prévu.
En 2022, Corbyn emprunte énormément pour satisfaire sa politique sociale et rend les universités gratuites. Les riches banquiers fuient Londres, et le Premier ministre annonce faire de leurs propriétés des logements à faible loyer. Les taux des titres gouvernementaux bondissent à 5 %.
En 2023, Corbyn est réélu sans contestation possible mais la dette explose à plus de 100 % du PIB et l’inflation est galopante. Enfin en 2028, les observateurs craignent que le pays ne fasse défaut, alors que le marché britannique est désormais considéré à haut risque.
Un conflit générationnel détruit l’Union européenne
En 2018, les retraités français manifestent contre Emmanuel Macron, qui veut réformer le système de retraites. En Italie, les élections révèlent une fracture générationnelle alors que les plus de 50 ans votent en masse pour Silvio Berlusconi, qui l’emporte.
En 2020, la population en âge de travailler ne permet plus de soutenir le coût des retraites des baby boomers, ce qui déclenche une crise financière au Portugal, en Italie, en Grèce et en Espagne. En 2022, Jean-Luc Mélenchon remporte la présidentielle française, portée par la jeunesse. Les impôts augmentent. L’Ecosse se sépare du Royaume-Uni en pensant pouvoir faire baisser ses impôts. Deux années plus tard, le taux de chômage des jeunes atteint 50 % en Europe et le Mouvement 5 étoiles l’emporte en Italie. La Catalogne se sépare de l’Espagne, qui n’a plus les moyens d’entretenir une armée.
En 2028, la faible natalité et les départs anticipés à la retraite font que deux actifs soutiennent un retraité. Les jeunes refusent de payer leurs impôts. Pour finir, la Belgique se divise en trois entre la Flandre, la Wallonie et Bruxelles, seule reste de l’Union européenne.
La voiture électrique disloque l’Arabie saoudite
Dès 2018, une nouvelle technologie dans le domaine des batteries permet de fabriquer en masse des véhicules électriques peu chers. En conséquence, l’OPEP enlève toute barrière à la production de pétrole, dont le cours se maintient à 50 dollars le baril.
En 2020, Mohamed Ben Salmane devient le roi d’Arabie saoudite et dépense des milliards dans la construction de Neom, sa nouvelle ville dans le désert. L’attention mondiale reste concentrée sur les nouvelles chaînes de production des véhicules électriques dans la Silicon Valley et à Shenzhen, alors que le pétrole baisse à 40 dollars.
Face à la baisse continue du prix du pétrole, à 20 dollars en 2021, des émeutes surviennent en Russie. Le budget de l’Arabie saoudite est drastiquement réduit. Le royaume connaît en 2024 une grave crise économique qui se répand au Moyen-Orient. Le pétrole est à 10 dollars.
Enfin, en 2028, l’Arabie saoudite abandonne son projet de mégaville et les investisseurs s’inquiètent face aux faillites en masse dans l’industrie pétrolière.